Comme chaque année l'arrivée du printemps annonçait le début des festivités. Tout l'hiver le château, les nobles hibernaient dans leur appartements, profitant de leurs cheminées  et de leur confort. Mais dès que la neige commençait à fondre, tout le palais s'éveillait et il fallait organiser la fête pour l'arrivée du printemps. Je n'aimais pas vraiment les fêtes, et tout ce que cela comportait. L'organisation du repas, les invitations, le placement aux tables. Cette fête était en plus l'occasion pour le petit peuple de venir au palais pour manger gratuitement. Cela m'exaspérait au plus haut point, mais je ne pouvais pas y couper. Le début de la fête correspondait avec l'une des grandes fêtes de Zorgon, et il fallait bien que la grande prêtresse soit présente.

Au début de la fête, une cérémonie d'une petite heure avait lieu pour remercier le Dieu pour ses bienfaits, pour le retour du beau temps et pour favoriser les récoltes. Il était encore tôt ce matin là quand le roi m'avait fait convoquer dans la salle du trône. Chargée de quelques parchemins, j'avais revêtu une des tenues que je portais à la cours. Il me fallait toujours me présenter sous mon meilleur jour, j'évitais donc ma longue cape noire. J'affichais sur mon visage mon plus beau sourire, je devais toujours faire bonne figure devant le roi. Les gardes à l'entrée s'empressèrent de m'ouvrir la porte.

J'entrais dans la salle du trône d'un pas pressé. Le roi était comme à son habitude, assis sur l'estrade. Quand la cours n'était pas présente, il aimait être plus naturel. Un sourire radieux sur mes lèvres, je m'inclinais respectueusement quand je l'approchais.

- Votre altesse...

J'étais pour le moment la seule présente dans la pièce, mais j'étais presque certaine de retrouver bientôt Edwina qui elle devait s'occuper des décorations pour la fête. Cette idée ne l’enchantait guère par ailleurs et elle me l'avait bien fait comprendre. Mais devant le roi, tout comme moi, elle ne se départissait jamais de son plus beau sourire. 

Le roi était pour moi une personne très étrange. Il se souciait beaucoup de ce qu'on pouvait penser de lui et surtout du petit peuple. Il fallait bien évidemment que le peuple apprécie son roi, mais il n'avait pas besoin pour cela de leur accorder tant d'importance. Le reste lui paraissait futile, voire ennuyeux. Nous avions passé de longues heures ensemble et je savais parfaitement ce qu'il en était. Ce matin, elle n'avait pourtant pas prévu de lui parler d'autre chose que des préparatifs de la fête. Il y avait bien assez de sujets à traiter lors des conseils sans en plus en rajouter en entretient privé.

Sa première question ne m'avait pas prise au dépourvu. Je ne pouvais que faire un large sourire. Évidemment le roi se préoccupais de certaines rumeurs sur nos voisins. Pour le moment nos espions ne nous avaient rien rapporté d'alarmant. Mais il ne fallait jamais relâcher sa vigilance. Je répondis au roi, parfaitement détendue.

- Nos espions ne nous ont pour le moment rien rapporté votre altesse, quand à la paperasse à signer, cela concerne surtout le bal que nous donnons pour l'arrivée du printemps.

La suite de ses pensée me fit hausser les épaules. Quoi répondre à cela ? Connaissant le roi, je savais qu'il parlait plus pour lui même que pour moi. Il était vrai que sans le peuple nous n'aurions personne à gouverner, mais je n'appréciais pas vraiment le bas peuple. Je tendis au roi quelques parchemins quand j'entendis un léger bruit derrière moi? Edwina venait d'apparaître dans la salle du trône. J'avais entendu dire que la reine lui avait confié la décoration du palais pour les festivité. Cela ne devait pas beaucoup l'enchanter, connaissant la demoiselle. Elle fit une révérence au roi et m'adressa un léger signe de tête. Je lui répondis de même, n'ayant pas besoin de m'incliner face à elle comme je le faisais pour sa sœur.

J'appréciais Edwina pour diverses raisons, mais surtout parce que comme moi, elle détestait par dessus tout ces festivités inutiles. Je me retournais vers le roi pour lui tendre un nouveau parchemin.

- Cette année le thème de la fête sera, le temps d'une soirée, changez vos habitudes... C'est une idée de la reine.  

Tout comme Edwina, je n'appréciais pas particulièrement les fêtes, encore moins celles où je devais me mélanger avec la plèbe. En principe les mendiants et autres péquenauds ne s'approchaient guère de moi. Pendant la fête cependant, nous étions censés changer nos habitudes, donc se vêtir à la mode paysanne. J'avais largement de quoi faire dans ma garde robe, j'avais toute une panoplie de vêtements pour passer inaperçu dans la foule. Peut être cela me laisserait l'occasion de rencontrer des personnes intéressantes. Après tout, si l'on ne savait pas qui j'étais, on ne pouvait pas me craindre.

Sur cet entrefaite, je réagis un peu tardivement aux paroles du roi, perdue dans mes pensées. Il ne serait pas difficile de trouver une personne adéquate pour remplir cette fonction. Je fis signe à l'un des serviteurs qui se trouvait dans la salle et lui intima d'aller trouver de ce pas ce que le roi demandait. Il partit sans demander son reste, tout heureux qu'il était de pouvoir rendre service à son monarche. Entre temps, le roi aperçu dans les jardins une intruse. Cela était des plus étonnant que les gardes l'aie laissée passer. Il faudrait que j'en parle à notre cher Lauren, cela me donnerait l'occasion de l'envoyer sur les roses.

Les gardes partirent prestement et revinrent quelques secondes plus tard avec ce que j'aurais put qualifié d'une pouilleuse. Mais comment diable avait-elle réussi à rentrer sans que personne ne la voie ? Sans ménagement, ils la présentèrent devant notre roi qui s'était assis sur son trône. Je levais les yeux au ciel et observait du coin de l'oeil Edwina qui n'avait pas prononcé une parole. Il était étonnant qu'elle soit si discrète. Nous attendîmes donc que la demoiselle décline son identité, au roi ensuite de décider de son châtiment.  

Peu de temps après l'arrivée de la jeune fille inconnue, on annonçait Lauren qui arrivait dans la salle du trône. Les gardes ouvrirent la porte à son passage et en entrant, le commandant fit quelques signes et donna quelques instructions. Aussitôt les deux gardes en poste se retirèrent et à la place vinrent se mettre en place deux soldats arborant sur leur plastron l'insigne des Séraphins.

Une fois ceci fait, Lauren monta en direction du trône. Il portait son armure ouvragée qui arborait aussi l'insigne des Séraphins en plaqué or ainsi qu'une large cape rouge qui arborait du côté droit l’emblème du Roi et du côté gauche l'insigne des Séraphins. Deux épées pendaient à son côté gauche, dont les gardes semblaient de bonne facture et richement ornés.

Lorsqu'il arriva à hauteur du trône, il salua les deux jeunes femmes d'un hochement de tête sincère mais très formel avant de s'incliner devant le Roi. Il prit alors immédiatement la parole.

- Navré de vous importuner, mon Seigneur. Je me suis chargé de mettre en place mes hommes. Toute l'enceinte du château va être surveillée par les Séraphins d'ici peu de temps et nous avons fini d'investir notre quartier général. Ils se mettent déjà au travail sur... (il marqua une pause, se rappelant qu'il y avait du monde autour de lui) ce qu'ils ont à faire.

Son ton était formel et froid. Malgré sa profonde amitié avec son suzerain, il souhaitait rester le plus professionnel possible dans l'exercice de ses fonctions. Il jeta ensuite un coup d’œil à la jeune femme inconnue puis reprit :

- Qu'est ce que c'est, ça ?

Il posa alors machinalement une main sur la garde d'une de ses épées. Même si elle ne semblait pas représenter une menace quelconque, il préférait se sentir prêt à toute éventualité, cela avait fait parti de sa formation. Les Séraphins en poste dans la salle placèrent alors tous, à l'unisson, leur main sur la garde de leur arme en voyant faire leur commandant mais ne bougèrent pas. Leur geste était millimétré et calqué sur celui de Lauren, montrant leur obéissance et leur loyauté sans faille ainsi que leur discipline, la manœuvre ayant bien sûr pour fonction d'intimider les éventuels adversaires mais aussi d’impressionner le Roi qui découvrait alors ses nouveaux gardes. Ils se tenaient ainsi prêts à intervenir à la moindre injonction de la part de Lauren.
 

Il y eut un sacré remue ménage. Les gardes arrivèrent avec une pouilleuse qui semblait tout droit sortie du fin fond de la ville. Quelques instants plus tard, comme s'il y avait eu un signal, la garde rapprochée du roi entra et se mit en place. Cela annonçait l'arrivée de ce cher Lauren, qui ne pouvait pas s'empêcher de fourrer son nez partout. Je levais les yeux au ciel, vraiment il ne manquait plus que lui dans cette réunion. Nous n'étions pas prêt de parler des préparatifs de la fête et pourtant la question devenait de plus en plus urgente. Laissant l'agitation de côté, je me rapprochais d'Edwina qui ne pipait mot.

- Et bien ma chère, il semblerait que vos histoires de fleurs soient oubliées.

Je regardais d'un œil la pauvre infortunée qui se trouvait maintenant devant le roi. Cette histoire ne m'intéressait pas vraiment et je me fichais bien de savoir qui elle était. La seule chose qui pouvait m'intéresser, était comment elle était parvenue à rentrer sans que personne ne la vois. Lauren semblait plutôt agacé que la jeune femme aie réussi à se perdre dans les jardins du palais. Comme à son habitude, le roi bien que ferme, restait tout de même plutôt aimable. Cela n'aurais tenu qu'à moi, la jeune fille aurait terminée rapidement au fin fond des cachots. Il fallait donc attendre qu'elle se présente...

-  

Cette fille n'était vraisemblablement pas étouffée par la bienséance et ce n'était que lui accorder trop d'honneur de la laisser parler ainsi. Lauren fit néanmoins au roi un discret signe de désapprobation, plus en tant qu'ami que garde du corps cette fois. Il prit aussi la liberté d'avertir la jeune femme.
 
- N'oubliez pas que vous vous adressez au roi et que vous pourriez tout aussi bien ne jamais ressortir d'entre ces murs.

Le regard qu'il portait sur la jeune femme était pesant et était sensé lui faire comprendre qu'il ne plaisantait pas et qu'elle n'avait pas droit à l'erreur. Son excuse devait vraiment être parfaite pour pouvoir justifier de sa présence ici. Il ne fallait pas non plus que la rumeur se répande comme quoi n'importe qui pouvait entrer au château comme il le voulait. S'il le fallait, il pouvait très bien faire un exemple avec elle.